Les 2K, vedettes du prochain film Taramana !
D’aucuns diront que ce sont les petits chouchous de l’association. Il faut bien reconnaître qu’ils ne passent pas inaperçu dans le bidonville tant ils animent par leur présence et leur joie de vivre tout le quartier. Ces deux vrais jumeaux, que seul un œil expert parvient à différencier, ont accepté d’être les prochaines vedettes du nouveau film de sensibilisation de Taramana qui devrait voir le jour fin 2010.
Son but est de montrer les nouvelles activités du Centre à travers la vie de nos deux inséparables homozygotes. Comme pour le film précédent (Dina, 11ans, chef de famille), je vais m’évertuer à filmer la triste réalité de la plupart des familles du bidonville. Bien entendu, ce qui s’y passe au quotidien reflète la situation de la moitié de la population mondiale. On doit vivre ou plutôt survivre avec 1 euro ou 2 par jour pour couvrir toutes les dépenses familiales. Autant dire qu’il ne faut pas avoir d’accident ni tomber malade. Le mot assurance n’existe au Cambodge que pour une frange minime et aisée de la population. La Sécurité sociale, les mutuelles santé, les allocations de toutes sortes (chômage, vieillesse, retraite, famille,…) font partie du domaine du rêve pour 90% des cambodgiens qui doivent se débrouiller avec les moyens du bord. Pas grand chose en fait. Paradoxalement, je n’entends pas grand monde se plaindre ou râler. A défaut d’argent, les khmers vous offrent sans retenue ce qu’il y a de plus beau et qui fait toujours plaisir : leur sourire et leur bonne humeur. C’est certainement pour ça que j’aime à chaque fois y revenir et que je ne me lasse pas d'arpenter les rues de Boeng Salang. Quel bonheur d’aller filmer touts ces visages illuminés de joie et de vie quand en France les gens dépriment et sont peu enclins à vous lâcher un sourire.
Khémara et Khémarak se prêtent volontiers aux contraintes d’un tournage. Il faut se lever de bonne heure pour commencer les prises ‘’à la fraiche’’. Après 10 heures le matin, le soleil est déjà haut, la lumière trop vive et il fait trop chaud pour tourner. Je suis fidèlement aidé par une petite équipe technique bénévole dont Séthara et Tinath sont mes assistants les plus assidus. Je loue un tuk-tuk à la journée et nous voilà partis dans toute la ville pour l’enregistrement de plusieurs scènes. Quelques journées sont consacrées au tournage du clip final qui promet d’inspirer tout sauf de la mélancolie. Imaginez donc. Je dois trimbaler les 2 K dans différents endroits de Phnom Penh où ils doivent reproduire la parodie d’une chanson de Sébastien Tellier (Divine) tout en jonglant avec micros, casquettes et lunettes sur un rythme endiablé. C’est un numéro assez périlleux à réaliser surtout la synchronisation des mouvements et des pas de danse. Réputé comme un éternel insatisfait, je n’hésite pas à faire rejouer jusqu’ à 20 fois la même scène et les 2 crapules ne rechignent pas à la tache. Pour des gamins âgés d’a peine 8 ans, c’est quand même extraordinaire d’avoir autant de patience.
Les 2 jumeaux sont comme moi et n’ont pas froid aux yeux quand il s’agit de faire les pitres. Et voilà qu’entre deux fous rires, on se retrouve à perturber la sérénité des piscines d’hôtels 5 étoiles quand on ne finit pas la journée à dévaliser une station service cagoulés et flanqués de fusils à pompe (en plastique). C’est drôle de voir comment la plupart des figurants improvisés à la dernière minute se prêtent volontiers au jeu après que Tinath leur en ait expliqué les tenants et les aboutissants. Je ne suis pas certain de trouver pareil accueil autour de chez moi si je devais solliciter les commerçants alors qu’ils sont en plein travail. Mais au Cambodge, c’est possible et on se fait de nouveaux amis.
A l’heure actuelle, le tournage n’est pas encore fini. Il sera achevé en fin d’année si mon temps libre et les conditions climatiques le permettent. Les Khémara m’ont fait savoir qu’ils voulaient être les premiers à visionner le film une fois fini. Avec ce que j’ai en boite, il me faudra bien compter quelques semaines de montage pour produire un document qui, je l’espère, arrachera plus de larmes de joie qu’autre chose. En se souvenant toujours que malgré les drames quotidiens à Boeng Salang, Taramana aura toujours à cœur de pérenniser la lueur d’espoir et de vie qui brille dans les yeux de nos deux mascottes et de leurs petits voisins.
J.D